Qui connaissait qui et qui tramait quoi dans les coulisses du monde des lettres québécoises ? C’est aussi sur ce genre de questions que jette un œil un collectif comme ces Nouveaux regards.Je suis un curieux. Curieux de nature, plus curieux encore de tout ce qui touche de près ou de loin à la littérature, aux gens qui l’écrivent, aux passionnés qui la commentent, l’étudient et transmettent leur savoir. Bref, un livre comme celui-ci me comble de dix manières. J’y trouve un peu de beaucoup de ces choses qui me plaisent, qui augmentent ma curiosité et stimulent généralement mon appétit de lecture : de l’information sur des écrivains et leurs œuvres, leurs réseaux, les liens agréables ou compliqués qu’ils entretiennent entre eux et avec l’édition et la presse, sur le processus de création – car la lettre s’apparentant au carnet ou au journal intime, les écrivains en font parfois le lieu de leurs réflexions, voire un espace de création. De l’information, encore, sur la manière dont la littérature s’est transformée et sous quelles influences, par quels détours inattendus. Enfin, ce collectif me propose, de manière concrète, des considérations savantes sur l’histoire littéraire, ses méthodes et ses objets.On comprend à quel genre de recueil on a affaire. Ici, précisément, c’est de Louis Dantin, d’Émile Nelligan, de Simone Routier et de quelques autres qu’il est question. J’apprends quelle source précieuse d’informations représente la correspondance entre Louis Dantin et Germain Beaulieu, informations tant sur la vie de Dantin que sur le milieu qui l’a en quelque sorte forcé à l’exil. Sur quelles réticences et quelles pudeurs pleines de bonne volonté s’est constituée une œuvre capitale comme les Lettres à ses amis de Saint-Denys Garneau, des amis soucieux de préserver leur image et de se fabriquer un poète dévitalisé, observe Michel Biron, avant d’insister, à propos de l’édition prochaine de la correspondance complète : « [J]e ne peux pas imaginer de bonnes raisons d’exclure quoi que ce soit que Garneau ait écrit, y compris les lettres les plus dérisoires ou les plus hallucinantes ». Il leur concède quand même, aux amis, un travail consciencieux, et qui posait la question délicate de la valeur littéraire du genre lui-même comme de chacune des lettres qui le composent. Parlant d’amitié, Marcel Olscamp nous apprend le rôle discret joué par le professeur et écrivain Jean Marcel dans la composition du classique Le ciel de Québec de son ami Ferron, le frère de l’autre, de cette jeune Madeleine dont Lucie Joubert nous montre de quelle manière elle a été contrainte autant qu’encadrée ou encouragée par ce même grand frère.Je découvre ou revoie des méthodes et des problèmes : sur la notion de pacte épistolaire, sur celle de mentorat, sur le rôle du passeur en littérature, celui dont l’œuvre s’efface devant celle de l’autre, sur la légitimité de certains écrits, comme ceux de Célina Bardy, sur les tenants et aboutissants de l’édition numérique d’une correspondance, de sa constitution à sa diffusion.Ce recueil est-il meilleur que tout ce qui se publie de semblable en provenance du milieu universitaire ? Je ne saurais dire. L’équipe éditoriale est sérieuse. À Pierre Hébert et Stéphanie Bernier se joignent des spécialistes patentés comme les Biron, Hayward et Olscamp.Tels articles, forcément, mettent davantage en lumière la méthode elle-même. C’est le cas du travail de Sophie Marcotte sur l’édition électronique de la correspondance de Gabrielle Roy. Tels autres se concentrent un peu plus sur la biographie (devrais-je dire le « biographique » ?), comme le fait Vanessa Courville à travers les lettres échangées pendant dix ans entre Geneviève Amyot et Jean Désy.Certains passages se lisent presque comme un roman, d’autres demandent notre réflexion, une réflexion plus ou moins soutenue. Du travail bien documenté, bien fait dans tous les cas.
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