Premier recueil de nouvelles, et premier ouvrage traduit en français de Melissa Bull, Éclipse électrique regroupe vingt-trois textes qui mettent en scène une galerie de personnages pour le moins atypiques, le plus souvent des jeunes femmes en quête d’elles-mêmes, doublement seules lorsqu’un conjoint squatte leur appartement, voire les encombre.Dans la nouvelle qui ouvre le recueil, « Les shakes », Catherine vit dans un appartement autrefois occupé par une clinique médicale où serait mort le médecin qui y travaillait. Son amoureux du moment, avachi dans un fauteuil, est dans les vapes, alors qu’elle craint de devoir être opérée pour un cancer de l’utérus. Tout, dans cette nouvelle, repose sur l’irritation qu’engendrent l’indifférence de l’un et l’inquiétude de l’autre, tension que rien ne vient résoudre.Dans une autre nouvelle, « La fin », une mésentente éclate entre deux colocs alors que le printemps s’amorce. Dans la nouvelle fort justement nommée « L’itinéraire », une jeune femme visite des amis à Bonn. Elle peine d’abord à les rejoindre, la carte SIM de son téléphone ne fonctionnant pas. Elle ne parle ni ne comprend l’allemand et ne se résoudra à se déplacer seule dans la ville qu’avec un itinéraire lui permettant de retrouver son chemin sans se perdre ou avoir à demander de l’aide. La plupart des nouvelles reposent sur des moments semblables où s’exerce une tension dramatique, souvent banale à première vue, sans véritable dénouement. Plusieurs des nouvelles ont pour cadre Montréal, ses différents quartiers, son côté résolument métropolitain par la coexistence des cultures francophone et anglophone (autre tension ici exploitée). Plus qu’un simple environnement, la ville s’impose comme sujet premier d’intérêt. On a parfois l’impression d’instantanés pris sur le vif, comme ces photos capturées par un cellulaire qui s’animent momentanément avant de s’immobiliser de nouveau.L’atmosphère qui se dégage des nouvelles est tantôt réaliste, tantôt onirique, voire étrange. Dans « L’intrus », un cambriolage prend une tournure inattendue lorsque les deux malfaiteurs se retrouvent à affronter une jeune fille entourée de ses poupées de porcelaine, plus vivantes qu’inertes. Dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, l’atmosphère est davantage surréaliste lorsque le personnage de Wanda, éblouissante dans sa robe électrique qui scintille de tous ses feux la nuit dans les bars montréalais, ramène chez elle l’amant d’un soir. Il n’y a pas de véritable chute dans ces nouvelles. Elles se terminent le plus souvent abruptement, laissant au lecteur le soin de tirer les conclusions qui lui siéent. Et le tout se déroule à la vitesse de l’éclair. Il y a un côté cinématographique à ces nouvelles, en partie causé par l’attrait, le soin apporté au choix des lieux dans lesquels elles se déroulent. Le style est alerte, rapide, et convient mieux aux nouvelles les plus courtes. Somme toute, un recueil qui offre un regard autre sur Montréal et la faune que l’on peut y croiser, si tant est que l’on porte attention à l’autre solitude et aux accents qui lui sont propres.
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