La jeune collection dirigée par Louis Hamelin, « L’œil américain », qui met en valeur les écrits consacrés à la nature, regroupe dans cet ouvrage en cinq parties des fragments parus précédemment dans différentes publications.
D’où mélange des genres pour raconter la vie en forêt ou chanter ses charmes et ses bienfaits. Un hymne à la forêt, lieu de paix et nature pourvoyeuse de tout ce qu’il faut pour vivre.
L’autrice, originaire des Côtes-d’Armor en Bretagne, venue au Québec pour des études en création littéraire, a développé des amitiés qui l’amènent chez des Innus de la Côte-Nord. Ekuanitshit (Mingan) a tôt fait de devenir son port d’attache, réserve où elle reviendra des années après en être partie pour un campement de plus de deux mois dans le territoire de Nutshimit, à 300 kilomètres à l’intérieur des terres. Le vieil homme Shimun et sa famille l’ont en quelque sorte adoptée au point de l’inviter à partager leur mode de vie nomade. Shimun est l’un des derniers de sa génération à être né dans le bois et à y avoir vécu. Alors qu’autrefois il leur fallait plus d’un mois de canot sur les rivières et de portage pour atteindre leur territoire, ils s’y rendent maintenant, début octobre, par hydravion chargé de leurs provisions. La poétesse bretonne participe à l’installation du campement : la tente, les branches de sapin au sol, le tuyau du vieux poêle, les provisions à mettre à l’abri, etc. Au matin d’un 8 octobre neigeux, elle se lave dans le lac Kukames, d’où le nom Kukamessit donné au campement. L’aîné et les siens initient la jeune femme à la pêche et à la chasse, au dépeçage et au tannage du gibier d’eau et de terre. Tirer sur un animal répugne à la citadine. Néanmoins, elle acquiesce aux lois de la survie en forêt tel que l’y convie Shimun. Le soir sous la tente, à la chandelle, on se raconte les légendes et les mythes transmis par les ancêtres. Au matin, on communique par radio B.P. avec les campements répartis sur le territoire dans un souci d’entraide et de partage. La narratrice goûte à l’art de vivre innu qui procure paix, tranquillité et repos : « Je ne savais pas que le bonheur était un vieux poêle de tôle, une bougie allumée, une paire de raquettes, une pagaie, une toile », de se dire la narratrice un 30 novembre dans une forêt enneigée, près d’un lac gelé.
En suivant Shimun est un vibrant hymne à la nature, un récit riche de détails sur la vie nomade des Innus. De la dénomination des mois de l’année – par exemple, uapikun-pishim, la lune des fleurs (juin) ; upau-pishim, la lune où les jeunes canards prennent leur envol pour la première fois (août) ; pishimuss, la petite lune (décembre) –, le lecteur peut déduire ce qu’est une langue polysynthétique et avoir une petite idée de la vision du monde de ces communautés. Cependant, l’ajout d’une carte situant les lieux cités en innu-aimun, aussi appelé innu ou montagnais, et un glossaire donnant les équivalents français, le cas échéant, auraient rehaussé la lisibilité et la qualité de l’ouvrage.