Le trentième ouvrage de la romancière s’ouvre sur une scène de peloton d’exécution. Douze hommes armés mettent en joue des otages, dont le narrateur. Il a vingt-huit ans. Pendant quatre mois il a négocié avec les ravisseurs, en vain. Il se nomme Patrick Nothomb. On apprendra à la fin du roman comment ses compatriotes et lui-même ont eu la vie sauve.
Le narrateur remonte le temps. Orphelin de père dès les premiers mois de sa vie, il est élevé dans la ouate par Bonne-maman, sa grand-mère maternelle trop heureuse de le surprotéger, tandis que sa mère Claude se montre distante à l’égard de son fils qui l’aime désespérément. Le grand-père général jugera nécessaire quant à lui d’endurcir le garçon avant son entrée à l’école. On l’enverra pendant les vacances au château du Pont d’Oye, dans les Ardennes, chez le grand-père Pierre Nothomb. Y vivent aussi une horde d’enfants nés d’un deuxième mariage, des enfants laissés à eux-mêmes qui en feront voir de toutes les couleurs au jeune Patrick.
Amélie Nothomb revisite les étapes marquantes de la vie de son père décédé en 2020. À ce père recréé, elle confie la narration à la première personne, ce qui confère au récit un air d’autobiographie et une authenticité à laquelle participent les références à l’histoire des Nothomb et à celle de la Belgique. De la famille Nothomb, on aura un portrait peu flatteur du grand-père Pierre, baron de son état, avocat autoproclamé poète et père égoïste sourd aux besoins les plus élémentaires de sa famille. Un baron imbu de son titre qui fait des pressions pour empêcher son petit-fils d’épouser la femme qu’il aime au motif que sa famille n’est pas de condition aussi noble que la sienne. Patrick passe outre en 1960.
Au début de cette décennie, un vent de révolution secoue l’Afrique en quête d’indépendance. Le narrateur, devenu avocat, reçu au concours diplomatique et maintenant père, est affecté au Congo. Consul à Stanleyville en 1964, il est pris en otage avec les colons belges de la ville. Il se révèle habile à palabrer avec les ravisseurs, mais la libération des otages n’aura lieu que quatre mois plus tard, le 24 novembre, grâce à l’intervention des parachutistes belges.
Premier sang, dont le titre évoque le handicap du narrateur qui s’évanouit à la vue du sang, s’avère un hommage sensible à un père aimant et aimé. Du Amélie Nothomb à son meilleur.