Se venger d’une injustice pourrait être une réaction primaire que plusieurs condamneraient, mais que certains trouveraient acceptable. Mais qu’en est-il quand ce désir de vengeance devient une obsession qui embue la réalité ? Jak ne vit plus que pour venger la mort de Rosa. Un désir qui s’est développé durant vingt ans et qu’il décide d’assouvir.
Durant une manifestation contre le pouvoir politique en place, Rosa est tuée par un soldat. Au centre de ce mouvement de contestation, un groupe d’amis : Mo, Sid, Rosa et Jak. Ils sont jeunes, ils sont idéalistes. En vain : pour Jak, la mort de Rosa a sonné le glas de son implication et de ses rêves. Reste à venger sa mort.
Jak fuit son pays, travaille dans une mine pour se créer un pécule et vingt ans plus tard revient dans sa ville. Un de ses compagnons de travail lui a dit que, pour une bonne somme, un de ses cousins le retrouverait et lui remettrait un pistolet. Il lui suffit de surveiller l’arrivée d’une vieille Peugeot bleue en face du café Yasmine.
Jak s’installe donc dans le café. Il y passera quelques journées. Le roman se construit autour de l’attente de la Peugeot et de retours en arrière qui racontent les événements qui ont conduit à la mort de Rosa. Cette structure est simple et efficace. On assiste à la vie quotidienne au café avec toutes les rumeurs de la ville agitée une fois de plus par des manifestations, la méfiance des clients et la gentillesse de Lily, la serveuse. Revient aussi le passé de plus en plus obsessionnel qui se rétrécit à cette rage de vengeance, mais qu’il cherche à endiguer, à comprendre, à ordonner, conscient que sa dérive le conduira dans un cul-de-sac.
De journée en journée, le passé rejoint le présent. D’abord Mo qui fait une apparition au café, puis Sid, animateur de la populaire émission radiophonique « Parler autrement », tolérée par le pouvoir car Sid sait quelle ligne ne pas franchir.
Finalement, la Peugeot se gare et Jak récupère un révolver et deux balles. Deux balles ? Rien ne nous explique la rareté des munitions dans ce pays… Pays dont on sait qu’il est en Afrique, sans doute de l’Est, mais rien ne vient colorer le paysage, la ville, les gens. Aucune description, ou si peu ; ainsi, tout ce qu’on saura du physique de Rosa se limite à une phrase : « Elle était belle avec sa blondeur, ses grands yeux verts, sa bouche charnue qui lui donnait un air de défi ».
Une fois que Jak est en possession de l’arme, l’urgence d’agir apparaît. Les retours en arrière explorent la relation entre Jak et Rosa. S’il l’aime follement, elle le considère comme un ami. Dans quelle mesure son désir de la venger n’est-il pas là pour lui prouver qu’elle a eu tort de ne pas l’aimer ? Jak identifie le coupable de l’assassinat de Rosa, mais le passage à l’acte s’avèrera plus qu’ardu… La fin qui pourtant semble en être une de libération pour Jak ne se déroule pas du tout comme prévu… Une chute curieuse et intéressante à la fois, mais trop rapidement amenée.
Fernande Chouinard a sans doute volontairement créé un univers flou qui pourrait être celui de n’importe quel régime corrompu. Par contre, ce faisant elle crée un récit qui demeure une abstraction et qui se résume au problème moral de Jak. Pourtant, autour de Jak il y avait tout un univers à explorer.