J’ai ouvert le premier recueil de l’autrice comme un promeneur solitaire ouvrirait l’espace devant lui : à la recherche non pas de nouveautés bricolées, mais d’une continuité très humble dans le tracé d’une écriture.
Avançant dans la lecture des poèmes, j’ai eu le sentiment très étrange d’arriver au seuil d’une voix où quelqu’un m’attendait. Du moins, une présence.
Lire le premier livre d’une poète, c’est assister au big bang de sa création et de son être : on devine l’expansion que l’œuvre prendra. On entend l’amorce d’une parole devant le monde, une manière de bouger les mots. Ce mouvement, venant de réalités intimes parfois très anciennes, donne à voir le poème.
Peut-être faut-il, chaque fois qu’une nouvelle voix s’avance vers nous, réapprendre à lire ? Et quitter le langage rationnel et utilitaire pour aborder une autre rive ?
L’autrice amorce ainsi son recueil : « Pour vous murmurer / j’ai besoin / d’espace ». En effet, nous entrons dans un autre moment de la respiration poétique, dans le murmure, cette sonorité dont il faut s’approcher si on veut « saisir » la réalité. La poésie recherche un lieu où naître à l’autre sera possible.
Le thème de la naissance traverse tout le livre. On pourrait croire que la poète écrit le « ventre arrondi ». Ventre et vent : ces mots dégagent, par leur résonance, une sorte de fraîcheur originelle, un souffle qui remue. Elle écrit : « j’ai une petite vie à donner au monde / je vous le promets », et plus loin : « je suis un brasier de paroles / dans un jardin amniotique ». Aussi : « il faut être blanc comme le fœtus / pour enfoncer le regard jusqu’aux berges / et oser naître quand même ».
Mélanie Béliveau nous donne à lire ces deux vers magnifiques : « mon cœur est un morceau de verre / dans l’aube ». Voici une image que le lecteur de poésie rêve de rencontrer. Elle nous met à l’écoute d’une certaine réalité mystérieuse que toute une vie ne parviendra pas à cerner complètement.
Dans ce livre, « la lumière pardonne toujours / à la lumière », « l’automne est un enfant bruyant / les doigts barbouillés d’acrylique » et « sur le calendrier / une main se perd dans l’espace ».
Pour « être aussi près de maintenant que possible », la poète dit la tempête, le désespoir, la tristesse, la mort, mais aussi l’amour, la lumière, les repères et l’enfance.
La quatrième de couverture nous apprend que Mélanie Béliveau est née à Victoriaville en 1976 et qu’elle a grandi dans la région de Trois-Rivières. Médecin de famille, elle exerce en Estrie. Elle est mère de quatre enfants. Ces éléments biographiques ne sont pas anecdotiques. Ils font partie intégrante du recueil, éclairant « l’en-dessous » des poèmes.