Un grand récit d’aventures, inspiré du grand récit de l’évolution humaine préhistorique. Un regard à la fois documenté et idyllique sur la vie, l’amour et la guerre aux premiers âges de l’humanité.
L’action se situe il y a environ 40 000 ans, dans une vaste région du sud de l’Europe chevauchant l’Espagne et la France d’aujourd’hui. Le petit Homo sapiens nommé Chat-Huant se retrouve sans soutien après la mort de tous ceux de son feu, mais sa force et son intelligence lui permettront de survivre. Un jour, son destin se manifeste sous les traits d’un chamane appelé l’Errant, de passage au clan de la Grande Grotte. L’Errant prend le petit sous sa protection et l’emmène avec lui dans un long voyage initiatique. En cours de route, les expériences forgent le caractère de Chat-Huant et mettent en évidence ses qualités de meneur. Après avoir quitté son mentor, il s’attache une compagne et revient vers le clan qui l’a vu naître, sous le nom de Grand-loup. À la même époque, loin vers l’intérieur, vivent des groupes de Pattes courtes, des Néandertaliens. Parmi eux, le chef Terre d’Ombre s’enhardit à voler les femmes des Homo sapiens pour pallier la faible natalité chez les siens. Les rapts des Pattes courtes susciteront une réponse violente de la part de Grand-loup et de ses alliés.
Le canevas sur lequel est brodé le roman ne renouvelle pas le genre, mais le contexte de coexistence des Homo sapiens et des Néandertaliens, notamment les usages et les interactions au sein des deux populations concurrentes, est brossé avec talent par Pérez Henares. D’ailleurs, l’auteur espagnol n’en est pas à ses premières armes dans la représentation de la préhistoire. Il a entre autres publié une trilogie campée dans ces temps lointains, Nublares, toutefois non traduite en français. Dans Le chant du bison, les événements relatés s’appuient généralement sur les avancées récentes de la connaissance des populations humaines ayant vécu au paléolithique supérieur. Il ne faut pas oublier toutefois que les données anthropologiques sur ces époques demeurent dans une très large part incertaines et lacunaires.
Nos ancêtres Homo sapiens et la lignée éteinte des Néandertaliens se sont vraisemblablement côtoyés en Europe durant plusieurs milliers d’années. Les Néandertaliens seraient disparus dans la période où se situe Le chant du bison, tandis que notre lignée, la race Homo sapiens, s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Les explications sur l’extinction de l’Homme de Néandertal ne sont toujours qu’un ensemble d’hypothèses et de conjectures. Parmi les facteurs en cause le plus souvent mentionnés, on note la consanguinité, le changement climatique et la supériorité des premiers humains dits « modernes », par leur nombre, leurs attributs génétiques et leurs moyens techniques. Le roman intègre à des degrés divers tous ces facteurs.
À partir de grands axes qui assurent la plausibilité de sa trame de fond, Pérez Henares ajoute de la chair et du sentiment pour concocter une histoire passionnante. Il faut dire que la période regorge de nouveautés de nature à enrichir un récit. Les humains de l’époque possèdent des capacités cérébrales et une maîtrise technique qui en font des chasseurs efficaces. La période est aussi entre autres caractérisée par l’essor de l’art pariétal. La domestication du chien remonterait à la même plage temporelle, ce qui a suggéré au romancier d’imaginer une relation particulière entre le personnage de Chat-Huant et une louve esseulée, qui devient la partenaire de ses pérégrinations. L’entourage de Chat-Huant, d’abord rébarbatif à la présence d’un animal réputé mangeur de petits humains, finit par reconnaître son apport précieux au succès des expéditions de chasse. Le prestige de Chat-Huant s’en trouve grandi, comme en témoigne le fait qu’on lui attribue le nom de Grand-loup.
Dans quelques notes de bas de page, Pérez Henares fait appel à l’indulgence du lecteur pour avoir pris quelques libertés avec la chronologie, comme si tout le reste était strictement conforme aux faits. Or, il est bien évident que le romancier projette une vision fantasmée de la socialisation humaine primitive et il n’a pas à s’en excuser. S’il a tendance à idéaliser un passé lointain, on peut aisément le comprendre, au vu des comportements antisociaux de certains de nos contemporains.