Curieux roman que celui-ci qui entremêle fantastique et horreur dans des mondes parallèles où les paradoxes temporels mènent le personnage principal dans des aléas qu’il ne contrôle pas.
Il faut dire que l’intrigue est passablement alambiquée : Hidalgo Garcia hérite d’une vieille maison de campagne dans le New Jersey dont le nom – Nobles ruines – évoque l’état d’un cousin, Jerry Steinmeyer, qu’il ne connaissait pas. Le 28 mai 1987, ce cousin a rencontré par hasard Al (du moins c’est le nom qu’il lui donne), qui lui raconte son histoire. Il s’empresse de tout noter dans le carnet que découvrira Hidalgo. C’est ce carnet qui compose le cœur du roman. Al « vagabondait à travers un monde sans consistance, n’ayant pas la moindre authenticité ». Al se rappelle être allé à Central Park le 24 mars 2014 et y avoir rencontré un policier du nom de Rif Wilson. Le hasard faisant bien les choses, car nous sommes ce jour même, Hidalgo se rend au poste de police et rencontre ce policier qui lui confirme ce fait. À partir de ce moment, le récit devient celui de Al. En 1886, Al travaille comme comptable chez Maupart, à Québec. Il sent que sa place n’est pas dans ce bureau, qu’il vient « d’ailleurs » ; n’ayant que des bribes de souvenirs et ne sachant pas son nom, il se donne alors celui de Gérald Crizenet. Il reçoit une offre de partenariat dans une entreprise de Jonathan, un cousin du Saguenay, qu’il décide d’accepter. Il lâche son travail et prend le train pour cette région qu’il ne connaît pas. Le train s’arrête en rase campagne, il en descend et se retrouve à Aubervilliers en France le 2 août 1756. Ce village est prisonnier du temps : on est toujours le 2 août 1756 et, chaque jour, un des habitants doit retourner l’immense sablier qui trône au centre du village, où est érigée une statue grandeur nature de Lux Ferré, qui se révèle être Lucifer.
Dès lors, le récit se centre sur sa vie dans ce village invraisemblable. Il loge à l’auberge de Catherine, qui devient sa maîtresse, rencontre Stéphanie, la fille du propriétaire du château moyenâgeux dont il tombe amoureux, et vit de multiples aventures qui se fondent toutes sur des perceptions temporelles et spatiales dans un monde dominé par le diable et dont il réussira à s’échapper non sans avoir réussi à mettre fin au maléfice et à découvrir les démons qui se cachent sous leur enveloppe humaine. Le cahier de Jerry se termine par ces mots : « C’est ici que pour moi se terminent les confidences plutôt loufoques de l’homme que j’ai rencontré à Central Park ». On ne peut qu’être d’accord avec lui.
Hidalgo, obsédé par Gérald Crizenet, cherche à comprendre le sens de cette aventure et à découvrir qui est ce personnage. Il réussira dans une fin de roman tout aussi surprenante que ce qui précédait, laissant entendre que son monde pourrait être aussi un monde parallèle.
Si le style est vif et si les mondes et les personnages décrits sont intéressants en eux-mêmes, on ne sait pas trop où Gilles Dubois veut en venir. On a l’impression d’être devant une écriture qui suit aussi bien les méandres fertiles de l’imaginaire de l’auteur que ceux d’une temporalité incertaine.