« Le cinéma est un art ; par ailleurs, le cinéma est une industrie », écrivait André Malraux en 1939. De moins en moins un art, et de plus en plus une industrie, si l’on ne se fie qu’au livre Cinéma en 30 secondes.
Appréhender le cinéma en si peu de pages représente un exercice risqué, et ce qui est retenu est révélateur tout comme ce qui est exclu de cette synthèse d’abord parue en Angleterre chez Ivy Press. On présente concisément les grands mouvements ayant influencé tous les autres (réalisme, expressionnisme allemand, néoréalisme italien), les premiers films des origines, les genres (le western, la comédie musicale), quelques réalisateurs influents comme Charlie Chaplin, Alfred Hitchcock, l’Indien Satyajit Ray, Ingmar Bergman – mais pas uniquement les plus marquants. De nouvelles tendances comme la réalisation numérique, le nouveau cinéma queeret le cinéma maison (comme le Blu-ray) sont abordées. Les meilleurs passages touchent Bollywood, le cinéma japonais, la période du cinéma « pré-code » – avant qu’Hollywood n’adopte pour ses longs métrages des règles morales d’autocensure, à partir de 1933.
Le principal défaut de ce survol est de trop se centrer sur le monde anglo-saxon, ce qui a une incidence sur le contenu du livre. Ainsi, on surestime D. W. Griffith pour représenter le cinéma muet au lieu de pionniers comme les frères Lumière ou encore Georges Méliès, mentionnés brièvement. Pourquoi inclure un maître du film d’horreur comme Wes Craven et un promoteur de la violence extrême comme Quentin Tarantino dans ce panthéon des cinéastes, et ne rien dire sur Woody Allen ? Et pratiquement rien sur le Québec et le Canada – sauf David Cronenberg – dans cet ouvrage pourtant édité à Montréal ; l’occasion aurait été belle de parler de nos cinéastes internationaux comme Denys Arcand, Michel Brault (pour le cinéma direct) ou encore Norman McLaren. Même la section sur le cinéma d’animation ne dit rien de l’ONF (il faut le faire !) et surestime la contribution des studios de Walt Disney. Consacrer toute une page à Agnès Varda et en contrepartie seulement dix lignes à François Truffaut et très peu à Jean-Luc Godard n’est pas représentatif de l’influence historique de ces cinéastes. Il est par ailleurs inexact d’écrire que Cœurs en lutte(1921) a été un des « films majeurs » de Fritz Lang : cette œuvre absente de ses filmographies était considérée comme perdue durant plus d’un demi-siècle ! En outre, les illustrations sont imprécises ; on indique rarement « qui est qui ». Ces images sont trompeuses car on ne sait pas toujours si ce sont des photogrammes tirés d’un film particulier ou de photomontages provenant de différentes œuvres. D’autres initiations au cinéma comme Une brève histoire du cinéma (Pluriel, 2017) de Martin Barnier et Laurent Jullier, ou encore les nombreux livres de René Prédal (son Histoire du cinéma, rééditée en 2012) et les titres publiés par CinémAction depuis les années 1970 sont des sources beaucoup plus fiables et mieux équilibrées quant à la diversité des contenus culturels.