De l’œuvre de Denis Vanier, je n’avais lu que quelques recueils, des livres qui m’ont habitée avec un mélange de fascination et de répulsion. La sortie de cette édition anthologique regroupant des recueils parus aux Écrits des Forges avait donc tout pour me réjouir.« Nous ne sommes plus de la race des mutants / mais de celle dont les yeux / brûlent la lumière / avec des rubans aux poignets / pour nous lier au bonheur. » Koréphilie, écrit avec Josée Yvon, s’ouvre sur les citations en exergue de Lise Fortier, première femme québécoise à devenir gynécologue, de Gilbert Langevin et d’André Malraux, puis commence sur ces lignes. Tout au long de cette moitié de recueil (l’autre moitié, celle écrite par Yvon, est parue aux Forges dans Pages intimes de ma peau) et des recueils suivants, je navigue entre noirceur intérieure, extase et écorchure. Les sentiments sont violents, ils ont une force de destruction massive, mais aussi d’embrasement mystique et mythique, profondément rock, au sens brut, sombre et sauvage. Les fluides coulent à flots, chaque page dégoulinant de sang, de salive, de sperme, de sueur, de larmes, d’alcool. J’en suis parfois éblouie, d’autres fois dégoûtée, transportée dans un univers gluant et crasseux où les tables sont collantes de bière et où l’air embaume un parfum d’encens et de robine.« On ne guérit jamais d’être son corps. » Dans les cinq livres regroupés dans Onction extrême, soit Koréphilie, L’odeur d’un athlète, L’épilepsie de l’éteint, Les stars du rodéo et L’hôtel brûlé, les corps sont caressés, mais aussi et surtout, malmenés, scalpés, mordus, fendus, menottés. Habiter son corps comme un combat d’où on n’a pas grand espoir de sortir indemne. Denis Vanier puise dans les imaginaires de la rue, du dépanneur, de la pizzéria de même que chez les Arabes, les Indiens, les Tamouls ; à chacun, il emprunte parfums, couleurs, rites et mystères. Cela crée un curieux univers, souvent glauque, étincelant, bruyant et douloureux. Les images saisissent, autant par leur beauté que leur monstruosité. La vulnérabilité et le désespoir se faufilent entre colère, amour et révolte. La langue est riche, éclatée, le lexique va du plus doux à la violence extrême.La poésie de Denis Vanier est bandée, pénétrante, pleine, enragée, palpitante, et malgré mon bonheur de me plonger dans ces recueils, je suis bien obligée d’ajouter ma voix à celles qui ont reproché aux Écrits des Forges de ne pas offrir de préface digne de ce nom à l’auteur. Pour rendre hommage à l’immense poète qu’était Vanier ainsi que pour le faire découvrir à un nouveau lectorat, une présentation solide et documentée aurait été nécessaire.
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