Acceptons la prémisse de ce roman : la comète de Halley s’incarne en une nouveau-née, laquelle est tuée le lendemain de son premier anniversaire par un garçonnet du voisinage. Acceptons que la comète, soixante ans après son incarnation, rédige un résumé de sa vie terrestre dans le carnet d’une jeune fille. Acceptons enfin que cette fantasmagorie se déroule dans un lieu et un temps bien définis, soit principalement Montréal et sa région, de 1959 à 2018. Ces libertés consenties, attendons-nous cependant à ce que ce roman soit, non pas vraisemblable, mais du moins cohérent.Or, la cohérence fait souvent défaut dans La petite rose de Halley. Pour le constater, résumons la trame narrative. En juillet 2018, Gregory Paxton, un chercheur en radiologie âgé de 64 ans, établi à Hudson en Montérégie, reçoit d’un couple de Saint-Lambert, Henri et Dorine Duciel, une lettre l’avisant qu’il a assassiné leur fille Rose-Aimée en 1959. Exaspéré par les cris du poupon laissé à l’extérieur sans surveillance dans son landau, il lui aurait asséné à la tête une douzaine de coups de bâton. Accompagnent la lettre comme preuves une coupure d’un journal d’époque qui fournit tous les renseignements incriminants ainsi qu’une photographie du petit meurtrier. Il va de soi que cette accusation bouleverse l’éminent chercheur, qui ne cesse dès lors de s’interroger à savoir s’il est vraiment l’auteur de ce crime. S’ensuivent diverses histoires parallèles, qui présentent plus ou moins de rapport avec l’intrigue de départ. On fait ainsi la connaissance de plusieurs personnages : Tania, épouse de Gregory, une Russe émigrée au Québec qui a renoncé à sa prometteuse carrière de pianiste et est devenue une artiste couturière ; Marie, leur fille, jeune adulte désœuvrée qui hésite, comme choix de carrière, entre la médecine et la littérature, et dans l’intervalle est fascinée amoureusement par son amie Audrey ainsi que par l’œuvre de Denis Vanier ; Laurent, optométriste viveur et creux avec qui Tania connaît une brève aventure ; Nakata, une infirmière de Hiroshima (où séjourne régulièrement Gregory) qui organise des randonnées en montgolfière au-dessus de sa ville, etc. Apparaît même Margaux Hemingway, ressuscitée pour une séance de mannequin devant l’objectif de Philip, ami d’Audrey. Le personnage le plus important peut-être, bien qu’il soit décédé l’année précédente à 69 ans, est un collègue de Gregory prénommé Lee, un paisible amateur de pêche à la ligne. Nous apprendrons toutefois in fine (attention ! un spoiler suit) que c’est ce bon vieux Lee qui a tué Rose-Aimée. Incapable de porter la responsabilité de son acte, il a tout machiné afin que Gregory se croie le coupable. Conséquence funeste de son mauvais tour, la mère Duciel, âgée de 82 ans, se présente au domicile de Gregory, vêtue d’une splendide robe qu’a créée et confectionnée Tania et à laquelle elle a ajouté un dispositif de dynamitage (gracieuseté d’un voisin qui a lui aussi souffert) qu’elle actionne illico après avoir salué, sur un ton comminatoire et en savourant sa vengeance, celui qu’elle pense être Lee. Bien sûr, rien n’interdit que cette histoire soit convenable comme fiction littéraire, mais la chronologie et la logique tout court prennent l’eau de toutes parts. Ayant comme lui (coïncidence surprenante !) grandi successivement dans le Centre-Sud (théâtre du drame) et à Hudson, Gregory et Madeleine, la veuve de Lee, connaissaient celui-ci comme ami depuis l’enfance (malgré un écart de six ans entre Gregory et Lee ?!) et nul n’était au courant de son abomination passée pourtant diffusée par la presse. Gregory, chercheur patenté, est la dupe d’un faux article de journal sur faux vieux papier et il n’a pas l’idée d’enquêter sur cette affaire dans les archives en ligne. Davantage, il reproche à Tania de téléphoner en Russie au lieu d’utiliser Skype, mais lui-même pour s’informer des Duciel se limite à consulter l’annuaire téléphonique (version papier ?!). Par ailleurs, l’octogénaire vengeresse se présente chez lui sans vérifier son identité.Le relevé des incongruités pourrait se poursuivre. Vétilles que tout cela ? Peut-être ! Apprécions en définitive une écriture bien maîtrisée, des trajectoires de vie captivantes ainsi qu’un intéressant pèlerinage dans les rues de l’Est montréalais, en quête des lieux où vécut et écrivit Denis Vanier.
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