Sociologue et professeur au Cégep Garneau, Philippe Reid publie un essai ayant pour point de départ un politicien britannique influent, Edward Ellice (1783-1863). Il ne s’agit pas d’une biographie au sens propre ni d’un livre d’histoire. À travers le parcours d’Ellice, l’auteur revient sur une période méconnue mais déterminante de l’histoire du Bas-Canada, bien avant la Confédération de 1867, à une époque où le Parlement britannique et les dirigeants de la Couronne façonnaient les jeunes institutions du Bas-Canada selon une vision coloniale et inégalitaire.Pour asseoir sa démonstration, Reid met en évidence un concept sociologique central, celui de « race », employé notamment par Lord Durham, qui parlait même de « ‘race la plus civilisée’ pour désigner les Britanniques », par opposition aux Canadiens français et aux Autochtones. Les occupants venus de la Grande-Bretagne justifiaient leurs activités et leurs décisions par leur « mission civilisatrice » ; tout comme aux États-Unis, on voulait faire croire à la destinée manifeste de la nation issue des treize colonies. Reid traite peu de notre voisin américain pour mieux se concentrer sur l’Angleterre, mais aussi sur l’Inde, afin de comparer deux attitudes coloniales assez similaires de la part des Anglais, et pour rappeler l’ethnocentrisme derrière les conclusions biaisées d’un Lord Durham observant la province de Québec ou à la base des observations du très anglais Thomas Babington Macaulay lorsqu’il administrait le Conseil suprême de l’Inde, au nom du roi, en 1834. Le terme d’ethnocentrisme n’était pas usité à l’époque d’Ellice et de Durham, mais il faut rappeler que des philosophes des Lumières s’étaient penchés sur ce problème, un siècle plus tôt.Reid nous invite à explorer davantage certaines hypothèses, surtout à propos de l’influence d’Edward Ellice et de son compère Adam Thom dans la rédaction du fameux rapport Durham, qui voulait démontrer l’infériorité des Canadiens français et la nécessité de les assimiler à la langue et à la culture anglaises. Cette hypothèse d’un rapport Durham rédigé à plusieurs mains peut sembler séduisante, et une étude calligraphique du manuscrit ou une analyse de discours, par exemple avec le logiciel Alceste, pourraient nous instruire et peut-être valider cette proposition. L’historien Yvan Lamonde l’avait déjà suggéré en 2000 dans le premier tome de son Histoire sociale des idées au Québec. 1760-1896 (Fides, 2000). Ce pourrait être le point d’ancrage d’un prochain livre plus étoffé ?
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