Un voyage intellectuel au cœur de l’idée de conservatisme à travers les âges.Il y a des mots qui ont de nos jours bonne presse, comme « nouveau », « progrès », « changement », « rajeunissement », « innovation », tandis que d’autres sont devenus péjoratifs, comme « conservatisme ». On sait qu’au Canada, le terme « conservateur » et sa contrepartie « libérale » ont une connotation partisane qui n’existe pas en France ou en Belgique ; mais aux États-Unis, un « libéral » est parfois perçu comme étant presque un « socialiste ». Le conservatisme a souvent été défini – péjorativement – par ses ennemis, ses détracteurs, mais qu’est-ce qu’en pensent ses adhérents et ses défendeurs ? L’essayiste anglais Roger Scruton a voulu comprendre tout ce qu’implique le mot « conservateur » en mettant à contribution de nombreux écrits s’étalant sur plusieurs siècles, comme L’enracinement (1949) de la philosophe Simone Weil ou encore La révolte des masses (1930) de José Ortega y Gasset. Ses pages sur Chateaubriand et Tocqueville sont admiratives. Tout son livre compare une trentaine de conceptions du conservatisme depuis Aristote. Roger Scruton définit le conservatisme comme une volonté de préserver la tradition, qui se situe au fondement de la nation : « […] une défense de la valeur de l’héritage contre l’innovation radicale, insistant sur l’idée que la libération de l’individu ne peut être accomplie sans la sauvegarde des coutumes et des institutions menacées par l’importance exclusive accordée à la liberté et l’égalité ».Le chapitre central de l’ouvrage se concentre sur le conservatisme culturel, à l’opposé de sa contrepartie politique, « sous le signe que quelque chose de précieux était en train de se perdre » à l’époque de l’industrialisation et de la mécanisation, jugées déshumanisantes. Les dernières pages montrent la difficulté d’être conservateur : « Les conservateurs qui, comme Allan Bloom dans son ouvrage L’âme désarmée, tentent de nous alerter […] sont marginalisés ou même diabolisés comme représentants des ‘ismes’ ou des phobies contemporaines prohibées – racisme, sexisme, homophobie, islamophobie, etc. ».On comprend que pour beaucoup de Britanniques, le mot « conservateur » implique en fait de « vouloir préserver ses acquis » et ne pas vouloir tout changer, tout le temps et à tout prix. Dans une société en perte de repères, axée sur la surconsommation et le prêt-à-jeter, où la nostalgie semble devenue suspecte, l’idée du conservatisme apparaît sinon comme une possibilité, du moins comme une avenue qui mérite d’être reconsidérée sans être systématiquement disqualifiée : « Le conservatisme contemporain veut en particulier comprendre le politiquement correct et trouver les moyens de le combattre ».Notre regretté collègue Laurent Laplante se plaisait à citer ce qu’il appelait « le verdict d’André Laurendeau » : « On naît à gauche et on meurt à droite ».
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