Ti-Luc Blouin, 25 ans, raconte dans les grandes lignes son histoire, de sa conception dans une commune de l’Ouest canadien à sa rupture avec Marie qui lui reproche son manque de caractère, en passant par son enfance en Gaspésie et son emploi précaire d’écologiste à Montréal. Un soir, il prend la décision inopinée de partir dans l’Ouest à la recherche du père qu’il n’a jamais vu et qui ignore jusqu’à son existence. Son point de chute est l’île Mere, convoitée par une puissante compagnie forestière pour sa forêt vierge. Des protestataires et marginaux de tout acabit occupent l’endroit, pour la plupart d’anciens hippies et bohèmes recyclés en manifestants écologistes. De la génération de son père, ils sont susceptibles d’avoir connu Foward Fuse, l’auteur fétiche de la contre-culture des années 1960, ce grand enjôleur, tel le joueur de flûte de la légende, l’inventeur du fucking writing, exercice auquel s’était prêtée une jeune Québécoise, Janine, devenue ainsi enceinte de Ti-Luc. Sa quête l’amène à pénétrer leurs rangs. Ti-Luc raconte ce qu’il voit, sans commenter. Cernés par son regard, ces utopistes d’hier n’apparaissent ni sympathiques ni le contraire, tout simplement détraqués et plus contestataires par habitude que véritablement engagés dans une cause. Sombre constat d’échec que la compagne de Mister Big, alias Foward Fuse, résume ainsi : « La vérité, c’est qu’on s’est plantés partout. » Il faut dire qu’Irene est le seul personnage de cette faune bigarrée qui soit encore lucide.
À la fin de sa quête, Ti-Luc deviendra Luc. Qu’est-ce qui a favorisé le passage ? Où s’en-va-t-il, nu, portant le chimpanzé Bismégiste ? La situation finale laisse le lecteur sur des pistes embrumées qu’une étude des légendes et de l’entrelacs de symboles auxquels Louis Hamelin fait référence devrait éclaircir. En le refermant, on se demande pourquoi Le joueur de flûte, au ton ironique et à la thématique potentiellement explosive, n’arrive ni à choquer, ni à emporter l’adhésion. Recherche d’un effet-miroir, peut-être : miroir du désenchantement où s’enlise la génération qui a cru pouvoir changer le monde et du désœuvrement de ses rejetons. Peut-être…